Article issu de http://www.liberation.fr/ du 8 décembre 2010
L'OCDE publie ce mardi sa grande enquête Pisa sur le niveau des élèves de 65 pays. Ce qu'il faut retenir pour la France.
Par CORDÉLIA BONAL, MARIE PIQUEMAL

L'enquête Pisa a lieu tous les trois ans. (© AFP Patrick Valasseris)
Les élèves français? Moyens en compréhension écrite, plus si forts que ça en maths... Pas de quoi fanfaronner. Voilà pour résumer ce qui ressort de l'enquête Pisa, pour «Programme international pour le suivi des acquis des élèves». Depuis 2000, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évalue tous les trois ans les systèmes éducatifs de 65 pays et mégalopoles comme Hong-Kong ou Shanghai.
L'enquête repose sur trois épreuves (compréhension de l'écrit, maths et sciences) et sur un entretien oral d'une demi-heure. Au total, ont été interrogés 470.000 élèves de 15 ans (quelle que soit leur classe, 3e ou seconde en France). Découvrez ici le graphique animé du palmarès.
Déjà peu glorieux en 2007, le tableau de la France ne s'arrange pas. Les principaux points de cette nouvelle enquête.
L'écart entre bons et moins bons élèves se creuse
En compréhension de l’écrit, la France ne s'en sort pas trop mal, avec un score de 496 points. Soit dans la moyenne des pays de l’OCDE (493 points) et comparable aux fois précédentes (la France affichait 505 points en 2000). Mais cette stabilité apparente cache une évolution plus inquiétante: si le contingent de bons élèves se maintient (et même se renforce un peu), les moins bons ont de plus en plus tendance à décrocher.
Cet «écart significatif» entre les meilleurs et les moins bons se traduit par «une proportion d’élèves performants en France au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE combinée à une proportion d’élèves en très grande difficulté scolaire elle aussi au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE», note l'étude.
Source: dossier de presse du ministère de l'Education
Dans le détail, en compréhension de l'écrit, la proportion de bons élèves en France a augmenté de 8,5% à 9,6% entre 2000 et 2009. Or, dans le même laps de temps, la proportion des élèves les moins performants a également augmenté, et de manière plus importante: ils étaient 15% en 2000, 20% en 2009, une proportion supérieure à la moyenne.
De la même manière, en maths, la proportion des moins bons a augmenté de façon significative entre 2003 et 2009, passant de 16.6 % à 22.5 %, tandis que celle des meilleurs élèves reste stable.
La mauvaise surprise des maths
Jusqu'ici, les maths ont toujours été le point fort de la France. Lors des précédents classements, les Français se positionnaient dans le haut du tableau. Mais voilà, la dernière enquête est sans appel: le niveau des élèves de 15 ans a dégringolé, avec une baisse de 14 points par rapport à 2003. La France a rejoint le groupe des «moyens» en maths avec 497 points (la moyenne est à 496), ex-æquo avec la Slovaquie. Et à un ou deux points de la Pologne ou de l'Autriche.
Source: Infographie Ide
Sur le fond, ces résultats ne sont pas catastrophiques, mais sont un mauvais signal pour la France qui décroche des médailles Fields (équivalent du prix Nobel pour les mathématiques). Comment expliquer cette baisse de niveau? A y regarder de près, la proportion de «bons élèves» ne baisse pas, en revanche, ceux qui ont des difficultés sont passés de 16,5% à 22,5%.
Les garçons prennent du retard sur les filles
Depuis dix ans, l'écart entre les sexes se creuse. Entre 2000 et 2009, les garçons ont décroché, notamment en compréhension de l'écrit. Résultat, les filles ont désormais 40 points d'avance sur leurs camarades masculins, contre 29 auparavant.
Les garçons restent toutefois devant en maths (seize points d'avance, contre douze points en moyenne dans les autres pays).
Garçons et filles sont en revanche à quasi égalité en culture scientifique, où les garçons n'ont engrangé que trois petits points d'avance.
L'école creuse les inégalités sociales
En France, le milieu socio-économique pèse plus qu'ailleurs. L'enquête Pisa questionne les élèves sur le statut professionnel et le niveau de formation de leurs parents, le nombre de livres à la maison, la langue parlée en famille... Il en ressort qu'en France, ces facteurs expliquent 28 % de la variation de la performance des élèves, contre 22% en moyenne dans l’OCDE. A titre de comparaison, ce pourcentage est inférieur à 18 % en Islande, en Israël, au Canada, en Corée et en Estonie, mais supérieur à 26 % en Autriche, en France donc, en Belgique et au Luxembourg.
L'étude montre que les pays qui accusent de fortes disparités socio-économiques ne les répercutent pas forcément à l'école. «Ce constat est important aussi, car il donne à penser que l’égalité des chances dans l’éducation est possible même lorsque le milieu socio-économique des élèves varie fortement», remarque l'OCDE.
Source: dossier de presse du ministère de l'Education
Les élèves issus de l'immigration à la traîne
En France, les élèves issus de l'immigration représentent 13% de l'échantillon interrogé, une proportion comparable à celle de la Belgique, des Pays-Bas ou du Royaume-Uni.
Ces élèves ont globalement plus de mal que les autres en compréhension de l'écrit. Les nouveaux arrivants (issus de la première génération) ont deux fois plus de risques de compter parmi les élèves «peu performants». Cette inégalité est commune aux autres pays étudiés, comme la Suède par exemple, mais il semble qu'elle soit particulièrement forte en France. L'écart entre les élèves immigrés de la première génération et les autres est de 79 points – soit l’équivalent de plus d’une année d’études – contre 52 points en moyenne dans l'OCDE.
La maternelle ne sert pas à rien
Menacée par les économies budgétaires, la scolarisation des tout-petits est régulièrement remise en cause. Les profs des écoles se souviennent encore avec amertume des propos de Xavier Darcos, alors ministre de l'Education, en 2008: «Est-ce qu'il est logique de faire passer des concours bac + 5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches?»
L'enquête Pisa remet les idées en place: «Les élèves qui ont été préscolarisés (qui ont été en maternelle, ndlr) pendant plus d'un an devancent les élèves qui ne l'ont pas été.» Et de beaucoup. L'écart en compréhension de l'écrit est de plus de 100 points en France, Belgique et Israël.
Plaisir de lire = meilleures performances
Les élèves qui prennent le plus de plaisir à lire obtiennent des scores nettement supérieurs aux autres. Jusque là, rien de très surprenant. L'enquête Pisa apporte des chiffres: en France, le plaisir de lire, même une demi-heure au plus par jour, explique 21% de la variation des performances. Une lecture variée est plus «rentable» en termes de résultats. Et de la même manière, lire en ligne (sur Internet) a également un «impact positif sur la performance», particulièrement en France. Enfin, les élèves de l'Hexagone déclarent plus que la moyenne des autres pays être incités par leurs profs à la lecture.
Pour aller plus loin : L'enquête Pisa, c'est cinq volumes de 300 pages. En anglais (disponible en PDF). Pour s'y retrouver: les performances (volume 1), l'équité (volume 2), le plaisir des élèves (volume 3), les stratégies d'apprentissage (volume 4), les écarts entre les établissements (volume 5). La France, qui a refusé de répondre à ce dernier volet, n'y figure pas.
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